Dawn Dumont

On pleure pas au bingo

On pleure pas au bingo
On pleure pas au bingo

Publication

Publication : Wendake, Québec : Hannenorak, 2019
On pleure pas au bingo
ISBN: 9782923926407

Traduction : Daniel Grenier
Description : 432 pages
Type de document : Livre imprimé, PDF, e-pub
Niveau : 2e cycle du secondaire, collégial

Biographie

Dawn Dumont est une artiste multidisciplinaire d’origine crie, née dans la Première Nation Okanese. Outre le roman On pleure pas au bingo paru en 2011 en langue originale, elle a fait paraître trois autres livres traduits en français et publiés chez Hannenorak : La course de Rose (2020), récipiendaire du prix Fiction du Saskatchewan Book Award 2015, Perles de verre (2021), qui a aussi remporté le prix Fiction, puis Les Poules des prairies partent en tournée (2022). Son travail d’écriture comporte également la création de contenu pour des comédies diffusées partout au Canada et des chroniques mensuelles dans Eagle Feather et dans le journal StarPhoenix. Dawn Dumont est aussi comédienne et humoriste.

Dumont Dawn - Crédit Thistledown Press
Photo: Thistledown Press

Extrait

« - Tu ne devineras jamais ce que Sandy m’a dit. (…) Elle m’a dit que si je voulais, je pourrais être Blanche.

Je n’étais pas totalement stupéfaite. (…) elle était la personne la plus blonde de la réserve (…).

– Pourquoi tu voudrais être Blanche ? ai-je demandé.

– C’est ça l’affaire. Sandy pense qu’on voudrait tous être Blancs si on avait le choix.

– Pourquoi quelqu’un penserait ça ?

– Parce qu’elle croit qu’on a honte d’être Autochtones !

Sandy se trompait sur toute la ligne. D’abord, personne n’aurait pu « choisir » d’être Blanc à notre école. Même si notre teint nous permettait de sauter la première haie, comment on expliquerait pourquoi on descendait de cet autobus-là chaque matin ? Comment on expliquerait l’existence de nos cousins, notre frère ou notre sœur ? Ce n’était pas une décision qui pouvait se prendre. Malgré la couleur de ses cheveux, Celeste était une Autochtone. Elle vivait dans la réserve, elle mangeait de la bouffe d’Indiens et elle allait aux pow-wow.  Elle avait l’accent. (…) » (pages 390-391) 

Résumé de l’œuvre

Dans On pleure pas au bingo, il est question de ce qu’est l’enfance et l’adolescence dans une réserve autochtone des Prairies canadiennes. À travers le regard tendre et amusé que pose Dawn Dumont sur les étapes de la vie de la narratrice, de l’école à l’université en passant par les vacances et les errances de sa famille, on parcourt avec elle ces petites et grandes luttes dont il est possible de rire et d’en sortir grandi. Les nombreuses leçons à tirer passent par l’autodérision et une observation intelligente, créative et fine des membres de sa famille et de son environnement. 

Situer l’œuvre

Paru en 2011, alors que la Commission de Vérité et de Réconciliation du Canada 1 1 Centre national pour la vérité et la réconciliation (septembre 2023) (2008-2015) battait son plein, le roman On pleure pas au bingo constitue une prise de parole unique d’une femme autochtone qui décrit ce que pouvait être la vie dans une réserve autochtone durant les dernières décennies du 20e siècle au Canada.

En effet, la réserve joue un rôle central dans ce récit. La plupart des événements relatés avec humour et sans complaisance s’y déroulent, la narratrice étant consciente de l’originalité de ce qu’elle décrit et des fortes différences qui existent entre son univers et ceux de la ville et des Blancs. 

Des indices historiques propres à la réalité des habitants de la réserve servent parfois de repères aux histoires que la narratrice relate :

« L’histoire qu’elle aimait le plus raconter lui était arrivée quand elle était petite. Elle avait six ans à l’époque, lorsque la voiture d’un couple de Blancs s’était avancée dans la longue allée de la maison familiale, pour s’arrêter dans leur cour. C’était inhabituel. (Pas que des Blancs aient une voiture – dans ce temps-là, seuls les Blancs avaient des voitures. Je sais que ça peut sembler absurde, mais on parle de la Saskatchewan rurale ici. Un milieu où on a eu l’eau courante seulement à la fin des années 1970. Pour la perdre en 1985. Puis la ravoir en 1986, mais elle n’était pas bonne à boire. Avec un peu de chance, le problème devrait être réglé d’ici la fin du vingt et unième siècle.) » (p. 376-377)

Par contre, le texte ne suit pas l’ordre chronologique des événements. De plus, alors qu’il est dit explicitement que la famille a régulièrement déménagé et traversé des frontières provinciales, il est souvent question de « la » maison et de « la » réserve, comme si certains endroits servaient de repères plus stables. On peut s’y perdre, mais ce n’est pas là que se porte l’attention de Dawn; elle s’intéresse beaucoup plus aux relations humaines et sociales qui se déroulent dans ces lieux.

Thématiques

La narratrice décrit avec humour les hauts et les bas de sa famille ainsi que celles des réalités autochtones.

1. La famille

La famille est au centre de la vie de Dawn, pour le meilleur et pour le pire. Alors que les frasques du père alcoolique amènent sa mère à fuir plus souvent qu’autrement la maison familiale avec ses enfants, et que les relations entre frère et sœurs ne sont pas de tout repos, une tendresse et une affection traversent toute la narration : 

« Notre propre famille avait traversé un moment difficile quelques années auparavant, quand des problèmes d’argent avaient obligé Maman à nous séparer. Celeste et Dave avaient été envoyés chez mon oncle Johnny dans la réserve, alors que Tabitha et moi on était allées rester chez ma tante Bunny dans a vallée. Maman, elle, avait emménagé au pensionnat où elle travaillait, à s’occuper des enfants des autres. Notre séparation n’avait duré que quelques semaines, jusqu’à ce qu’elle trouve un endroit où on pourrait recommencer à vivre ensemble. C’est la pire chose qui nous était jamais arrivée, et on était encore inquiets juste à y penser. » (page 122)

Les membres de sa fratrie s’aiment donc profondément et tiennent à leur complicité soudée par un isolement géographique – leur maison se trouve loin de tout – et basée sur leurs éternels conflits : « Tous les trois, on retournait dans le salon et on recommençait à se casser les pieds les uns les autres du mieux qu’on pouvait. » (page 291)

Il reste qu’il est parfois difficile de trouver des qualités à son petit frère : «  J’ai pâli à l’idée de rester à la maison avec mon frère tout le reste de l’été. Sa définition du plaisir se résumait à faire des bruits d’accident de voiture, assis sur une butte de gravier.  » (page 100)

La compétition entre sœurs, et le désir de plaire, occupent également une place importante dans leur dynamique  : «  Les yeux de Celeste me disaient qu’elle était décidée à faire tout ce que je faisais, à le faire mieux que moi. Quand on ne se liguait pas pour embêter David, Celeste et moi, on était en compétition pour la place de la fille la plus mignonne et la plus adorable de la Terre.  » (page 31); «  À la maison, j’endurais les comparaisons continuelles avec ma sœur  : «  Celeste a tellement d’énergie, et Dawn… Dawn aime vraiment beaucoup lire en tous cas.  » Le verbe «  lire  » était prononcé sur le même ton qu’on aurait utilisé pour décrire quelqu’un avec une jambe dans le plâtre.  » (page 127).

Questions :

  1. Pourquoi la famille occupe-t-elle une place particulièrement importante dans la vie d’une jeune fille autochtone vivant dans une réserve  ? Expliquez son importance des points de vue individuel et social.
  2. Quel rôle joue le sens de l’humour dans la description des relations familiales  ? À quel point ce récit serait-il différent sans cet humour  ?

Activité :

Construisez l’arbre généalogique de la famille immédiate de Dawn en y décrivant la relation que celle-ci entretient avec chacune et chacun. Choisissez une citation pour illustrer chacune de ces relations.

2. Les réalités autochtones

Le roman propose une vision personnelle des réalités autochtones. La narratrice expose d’abord et avant tout ce qu’elle observe et vit concrètement. Que ce soit les conditions de vie dans les réserves ou les relations interculturelles à l’école et en ville, elle décrit les injustices et le racisme d’un ton posé, presque cynique.

Dawn raconte notamment comment l’’école et la cour d’école constituent des microsociétés où hiérarchie et ségrégation font bon ménage  :

« C’est que la cour d’école était organisée selon un système hiérarchique que personne ne remettait en question. Les Blanches jouaient avec les Blanches. Les Autochtones jouaient avec les Autochtones. La seule exception à la règle, c’était les quelques fois où de petites Blanches pauvres venaient jouer avec nous. Leurs vêtements, comme les nôtres, avaient connu les quatre murs des friperies. » (page 147)

« L’école primaire nous avait appris qu’on vivait dans deux mondes séparés. Dans le contexte de la classe, les deux mondes entraient parfois en collision. On ne pouvait pas toujours choisir notre place dans la salle, et même quand on pouvait choisir, on finissait toujours par se retrouver près d’un Blanc, d’un côté ou de l’autre. C’était une simple question de géométrie. Dans la cour d’école, là où les enseignants ne pouvaient rien y faire, la séparation était complète. Il y avait les jeux de Blancs, et il y avait les jeux d’Autochtones. (page 149)


Ces questions ne sont pas présentées sous le ton de la dénonciation ni de celui des revendications; les faits rapportés parlent d’eux-mêmes.

Questions :

  1. Peut-on dire que le roman On pleure pas au bingo s’inscrit dans une démarche de sensibilisation aux enjeux autochtones ? Justifiez votre réponse.
  2. Quels sentiments la lecture de cette œuvre vous a-t-elle fait vivre en lien avec ce qu’on y apprend sur les réalités autochtones ? Expliquez.

Activité :

Esquissez un portrait des conditions de vie dans une réserve des Plaines canadiennes à la fin du 20e siècle à partir des observations faites par la narratrice, Dawn.

Esthétique de l’œuvre

On pleure pas au bingo comporte plusieurs caractéristiques du roman d’apprentissage. La narration de Dawn permet d’observer son évolution vers la maturité. Cette évolution, comme dans la plupart des œuvres de ce genre, présente un passage de l’enfance à l’âge adulte, de la naïveté à une certaine lucidité. C’est d’ailleurs par les yeux et les mots de la jeune Dawn, dans une narration au « je », qu’est effectuée cette plongée dans son parcours, par le biais du récit de son quotidien et celui de sa famille. 

Le ton choisi est ludique : tantôt parodique, tantôt absurde, humoristique, ironique ou caricatural, il sert l’autodérision qui parcourt entièrement l’œuvre. « … la marelle était le jeu le plus nul de tous les temps. Un hamster se serait ennuyé à jouer à la marelle. (Cela étant dit, une roue géante m’aurait certainement tenue occupée pour de longs mois.) » (page 151) Elle permet notamment de présenter des situations liées aux différents thèmes en atténuant leur caractère potentiellement dramatique. 

Les figures de style foisonnent. Elles permettent entre autres de souligner des éléments évocateurs, par exemple ici la bonté et l’élégance qui triomphent de la misère : « Puis, elle a ouvert son frigo qui, je le savais d’avance, était aussi vide qu’un champ en hiver. Elle en a sorti deux oranges, qu’elle a coupées chacune en trois parts égales avant de les emballer dans de la pellicule plastique. Et elle a déposé les six petits paquets dans nos sacs. » (p.66-67). 

Ressources

Pour en savoir plus sur le processus de traduction française de cette œuvre, et sur le traducteur lui-même :

Pour lire des œuvres littéraires qui font écho à celle de Dawn Dumont :

  • Dunning, Norma, Annie Muktuk, Mémoire d’encrier, 2021.
  • Taggaq Gillis, Tanya,Croc fendu,Alto, 2019.
  • Vermette, Katherena, Ligne brisée, Québec Amérique, 2017.

Pour découvrir une série télévisée qui fait aussi écho à l’œuvre de Dawn
Dumont tant par les thèmes abordés que par le traitement humoristique : 

  • Harjo, Sterlin et Taika Waititi, Reservation Dogs, FX sur Hulu, 2021.

Glossaire

Autochtones

Le terme Autochtones désigne ici les premiers peuples d’Amérique du Nord et leurs descendants. La Constitution canadienne reconnaît trois groupes de peuples autochtones : les Indiens (plus souvent appelés les Premières Nations), les Inuit et les Métis. Ces 3 groupes distincts ont leur propre histoire ainsi que leurs propres langues, pratiques culturelles et croyances. Selon le Recensement de 2016, plus de 1,67 million de personnes se sont identifiées comme des Autochtones au Canada. 2 2 Gouvernement du Canada, « Peuples et communautés autochtones », 2022. Gardiens de traditions uniques, les Autochtones préservent des caractéristiques sociales, culturelles, économiques et politiques distinctes de celles des sociétés dominantes dans lesquelles ils vivent. 3 3 Mikana, Petit guide de terminologies en contexte autochtone.

Autres définitions

Blancs, Blanches 

Le terme Blanc, Blanche est largement utilisé pour désigner des personnes qui ne sont ni autochtones ni d’origine immigrante récente, et dont la peau est « blanche ». Ces personnes font partie de la majorité privilégiée dans la société dominante. 4 4 Voir le concept de privilège blanc expliqué dans le feuillet de la Ligue des droits et libertés, « Le racisme systémique… Parlons-en ! », juillet 2017. On peut aussi utiliser le terme allochtone pour toutes personnes dont les ancêtres ne sont pas originaires de la terre où elles résident.  5 5 Mikana, Op.Cit.

Autres définitions

Indien, Indienne 

Ce terme est communément considéré désuet, et souvent perçu comme péjoratif. Certains membres des Premières Nations ou Métis l’utilisent toujours, comme on peut le constater dans On pleure pas au bingo ; il peut alors s’agir d’une réappropriation des noms péjoratifs qui leurs étaient imposés. Au Canada, « indien inscrit », « indien non-inscrit » et « statut indien » sont des termes légaux toujours utilisés dans les documents gouvernementaux, ainsi que dans la Loi sur les Indiens. 6 6 Mikana, « Qu’est-ce que la Loi sur les Indiens ? » , 7 7 Mikana, Op.Cit.

Autres définitions

Prairies canadiennes

Les Prairies canadiennes, la portion canadienne des Grandes Plaines, recouvrent une grande partie des provinces de l’Alberta, de la Saskatchewan et du Manitoba. L’unité géographique provient du fait que ces trois provinces ont à peu près le même type géologique. On observe aussi une certaine unité culturelle majoritaire dans ces trois provinces. 8 8 « Prairies canadiennes », Wikipedia.  

Autres définitions

Réserve

Terme colonial qui désigne l’espace réservé aux communautés des Premières Nations, attribué par les autorités coloniales. Les réserves ont été créées sous la Loi sur les Indiens. Ce sont des terres détenues par la Couronne Britannique que les membres des communautés peuvent utiliser et qui sont parfois réglementées sous différents traités ou ententes. On dénombre 3100 réserves au Canada. Bien que toujours utilisé dans le monde administratif et par certains membres des Premières Nations, par exemple par l’autrice Dawn Dumont dans On pleure pas au bingo, il est recommandé par plusieurs de remplacer ce terme par « communauté ». 9 9 Mikana, Op. Cit.

Autres définitions

Crédits

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