Caroline Dawson

Là où je me terre

Là où je me terre
Là où je me terre

Publication

Montréal, Québec, les éditions du remue-ménage, 2020

Biographie de l’auteure

Née en 1979 à Valparaiso au Chili, Caroline Dawson arrive au Canada comme réfugiée politique avec sa famille, à l’âge de sept ans. Débute alors la longue route de l’adaptation et de l’intégration à la culture québécoise, d’abord à Montréal puis à Brossard. Elle poursuit des études en sociologie, voyage à travers le monde et vit quelques années en Suède avant de de-venir professeure au cégep Édouard-Montpetit. Passionnée de littérature, elle s’implique au Festival de littérature jeunesse de Montréal et écrit pour divers blogues (Page par Page, TPL Moms). Elle est finaliste du Prix du récit de Radio-Canada en 2018 pour Les Honeycomb de Madame Thérèse. Elle publie en 2020 son premier livre, Là où je me terre, aux Éditions du remue-ménage; le roman est finaliste au Prix des libraires du Québec et gagnant du Prix littéraire des collégiens en 2021. Un recueil de poésie intitulé Ce qui est tu, paraît à l’hiver 2023 aux Éditions Nota bene.

Caroline Dawson - Crédit Chloé Charbonnier
Photo: Chloé Charbonnier

« J’ai une préférence pour les lectures qui révèlent la part de l’Autre en nous, qui nous lient aux autres êtres humains et font de nous une communauté 1 1 Site Internet du Festival de littérature jeunesse de Montréal, page « Notre équipe »  »

Caroline Dawson

Extrait

« Un jour où ses parents étaient partis, un garçon de treize ans a demandé à ma mère de laver la cuisinière. Il avait réchauffé la sauce à spaghetti congelée laissée par sa mère pour son lunch. Il l’avait oubliée sur le feu et ça avait débordé, brûlé la casserole et éclaboussé partout. J’ai vu ma mère récurer la cuisinière, les murs autour et le plancher pendant une heure supplémentaire pendant qu’il regardait la télé, en boxers, en mangeant une pizza commandée en remplacement du spaghetti dans une assiette que ma mère nettoierait après tandis qu’il lui lancerait, sans lâcher l’écran du regard, « Ah, thanks Natalia, t’es vraiment la best. » 

Quand j’enrage juste parce qu’on ne donne pas du « Madame » à ma mère, qu’on la tutoie ou qu’on l’appelle familièrement par son prénom, je sens tout remonter en moi. La colère part de là. L’image de ma mère, à genoux, tête baissée à laver des bécosses, qui reçoit les ordres, même formulés poliment, d’un enfant; je me rangerai toujours du côté des humiliés. C’est là où je me terre 2 2 Dawson, Caroline. Là où je me terre, Éditions du remue-ménage, 2020. . » (p. 140) 

Résumé de l’œuvre

La petite Caroline apprend que toute sa famille quittera le Chili pour toujours afin de s’établir au Canada. À partir de cette annonce, c’est tout un parcours d’exil, de chocs culturels, d’adaptation puis d’intégration que nous racontera la narratrice. Ce parcours est vécu différemment par ses parents, qui doivent cumuler plusieurs jobs misérables pour faire vivre leur famille, et par leurs enfants qui vont à l’école, apprennent le français et tentent de se fondre dans la société d’accueil. Cette intégration ne se fait donc pas sans heurt, passant d’humiliations racistes et classistes en trahisons envers leur culture d’origine et envers le statut précaire de leurs parents. Entre colère et amour, Caroline s’intégrera à la culture québécoise, pour le meilleur et pour le pire. C’est en français et en pleine possession de ses moyens, devenue professeure de sociologie au collégial, qu’elle criera dans ce roman son indignation pour le traitement réservé à ses parents réfugiés et son désarroi devant tout ce qu’elle aura dû trahir pour en arriver à s’affranchir. 

Situer l’œuvre

Depuis une vingtaine d’années, des femmes racisées prennent la parole pour raconter leur vécu et les embûches qui ont marqué leurs parcours migratoires. Que l’on pense à Americanah 3 3 Ngozi Adichie, Chimamanda. Americanah, Gallimard, Folio, 2014.  de Chimamanda Ngozi Adichie, où l’autrice questionne son identité de femme noire lorsqu’elle immigre aux États-Unis, ou du Ventre de l’Atlantique 4 4 Diome, Fatou. Ventre de l’Atlantique, éditions Anne Carrière, 2003.  de Fatou Diome, où la narratrice confronte les rêves de son frère sénégalais à la dure réalité des personnes immigrantes en France (2013), plusieurs oeuvres brossent un portrait des difficultés de l’exil au Nord vécues par des femmes venues du Sud. Là où je me terre s’inscrit certainement dans cette série de prises de parole, cette fois à travers le récit d’une petite fille qui vit l’exil, fuyant la dictature de Pinochet au Chili, pour immigrer au Québec à la fin des années 1980; celui aussi de la femme qu’elle est devenue, s’affranchissant du statut précaire de sa mère, immigrante et pauvre. 

Jusqu’au choix du terme pour désigner le genre littéraire de son oeuvre, Caroline Dawson y va d’une revendication sociopolitique sur la place des femmes immigrantes dans la société d’accueil. En effet, bien qu’on puisse facilement qualifier Là où je me terre d’autofiction 5 5 Voir cet article portant sur l’autofiction – l’autrice y relate une histoire personnelle réelle tout en glissant à la fin de son récit un questionnement quant à sa capacité de pouvoir valider toute la véracité de ses propos (voir l’Épilogue : Je me souviens) – ce livre est un roman, et elle le revendique : 

« Je tiens au mot roman parce que je désire ardemment imposer ma mère et les femmes qui ont connu son destin à la réalité et à la fiction qui ne parlent jamais d’elles. Natalia, ma mère, avec ses mains abîmées, fripées par la javel, est un être humain en chair et en os, mais elle est aussi un idéal type. Quand on me refuse le mot roman, j’ai l’impression que l’on refuse que je fasse de notre histoire de la littérature. […]

Écrire, pour moi, c’est mettre en lumière les violences subies et infligées en refusant l’invisibilisation que l’histoire et la littérature imposent aux femmes comme ma mère. C’est refuser qu’on les limite à leur aspect individuel. Être écrivaine, pour moi, c’est nous placer désormais comme personnages, et ainsi obliger le Québec à nous voir, à nous regarder, à nous en-tendre nous dire, à nous lire. Les immigrantes sont aussi des personnages principaux qui façonnent les sociétés et qui en subissent les violences. Je continuerai à dire roman parce qu’au bout du compte, c’est la seule véritable vengeance que je connaisse. Par le roman, je nous ai inscrites, avec colère et amour, dans la trame narrative collective québécoise 6 6 Je suis une écrivaine québécoise, je suis vengeance . »

« Avec colère et amour » : s’il y a dans cette œuvre une vengeance de classe certaine, il y a aussi une tendresse teintée de complicité envers la société québécoise. Cette dualité en fait une œuvre unique, à la fois rage et douceur. D’abord la rage que l’on saisit dès cette première rencontre avec le douanier sans cœur :

« Ce genre d’homme, qui en soustrait d’autres à son regard, qui se défile devant la douleur, est le premier type d’humain que j’ai détesté. Je me suis fait un devoir d’écolière de l’enregistrer dans mon cerveau pour le haïr toute ma vie durant, lui et toute sa race. » (p.26)

Douceur que l’on saisit ensuite à son apogée dans ce moment où la petite Caroline « rencontre » une Passe-Partout qui semble s’adresser à elle dans cette langue qui lui est pourtant encore inconnue (p.30).

Il reste qu’il s’agit avant tout d’une histoire faite d’humiliations et de trahi-sons. Statut ingrat et douloureux de réfugiés que celui des parents de Caroline, nettoyant nuit et jour espaces commerciaux et foyers confortables, recevant pour ce dur labeur des revenus médiocres, se privant de tout pour leurs enfants afin que ceux-ci puissent un jour s’affranchir de cette précarité.

Thématiques – Enjeux

La narratrice expose donc brutalement les humiliations vécues par elle et sa famille dans ce parcours d’exil. Non seulement les membres de sa famille sont humiliés parce qu’ils sont réfugiés et quémandent l’asile politique, mais ils le sont aussi parce qu’ils sont « bruns » et parce qu’ils sont pauvres et doivent ré-curer la crasse des autres. Il s’agit donc pour elles.eux de subir la violence du racisme et celle du classisme.

Qui dit humiliations dit luttes pour s’en affranchir. Or Caroline va vivre chaque pas vers cet affranchissement comme une trahison : elle a l’impression de trahir ses origines et son identité, en plus de trahir sa mère.

Les humiliations

Lorsqu’on doit fuir son pays à l’âge de sept ans, on plonge dans l’inconnu sans y être préparé. On ne sait à quoi s’attendre et encore moins à être humilié. C’est pourtant ce qui se passe pour la famille Dawson et ce, dès le premier contact humain avec le Canada : un douanier de Toronto sans un regard, rouspétant parce que c’est Noël et qu’il doit gérer l’arrivée de personnes réfugiées. Puis il y a le fait de ne pas pouvoir sortir de l’hôtel Ramada – de ne pas être libres leurs allées et venues. Chaque étape dans l’installation à Montréal continue d’impliquer son lot d’humiliations : la cousine qui surprend Caroline à goûter le yogourt de leur réfrigérateur, les enseignantes qui suspectent de la violence dans la famille parce que la petite réfugiée a une tache brune sur sa peau, les autres enfants qui comparent le caramel de son sandwich à de la « marde », le garçon du camp de jour qui l’insulte en la qualifiant de « grosse négresse ! »… La liste est longue.

La pire humiliation, c’est celle dont Caroline est témoin et dont elle se sauve (on y reviendra) : l’humiliation de ses parents, dont les diplômes ne sont pas reconnus au Québec. Natalia et son mari doivent se résoudre à faire l’entre-tien des lieux de travail et des maisons de celles et ceux qui n’ont pas à tirer le diable par la queue.

« Sous la propreté que ma mère faisait advenir, il y avait leur crasse. Leurs poils dans la douche, leurs traces de merde dans la bol, celle de pisse à côté, leurs spots de salive sur le miroir de la salle de bain, leurs traces de doigts sur toutes les tables, leur sang et leur sperme dans les draps. Ma mère était la magicienne qui faisait disparaître tout cela en courbant le dos, en s’écorchant les mains et en respirant des produits chimiques qui la rendraient un jour malade.

Je leur aurais craché à la gueule à ces femmes qui, toujours souriantes, disaient du bien de ma mère avec le possessif « ma » : « Ma femme de ménage est une perle », comme si elle leur appartenait, comme si c’était une robe qu’elles avaient dénichée à bas prix et qui leur allait à merveille. Certaines poussaient l’audace jusqu’à dire avec désinvolture « Natalia fait partie de notre famille », tandis que ma mère vidait l’aspirateur de leurs cheveux, de leurs rognures d’ongles, des miettes tombées de leur bouche et de tous leurs autres déchets. » (p. 138)

Ce sentiment d’humiliation atteint son paroxysme quand Caroline adolescente se rend à un party et s’aperçoit que le charmant fils de la maison a choisi d’inviter ses amis un jeudi soir pour pouvoir salir la maison à outrance et sans souci puisque la mère de Caroline doit venir faire le ménage le lendemain. Sans aucune considération pour tout le travail supplémentaire que cela représentera pour la femme de ménage. Même si le garçon en question lui plaît, Caroline ne pourra pas franchir le pas de le fréquenter, la rage au cœur.

Cette blessure jouera un rôle de catalyseur dans la démarche d’écriture de la narratrice. Un jour, dans un bus, face à une publicité vantant les mérites de la francisation et présentant la photo d’un homme avec ces mots « Pour qu’un jour je vous raconte mon histoire », elle s’est mise à pleurer, puis s’est fait la promesse d’écrire.

« … j’écrirais fort, violemment, sans fioritures, comme si mes ancêtres, les sacrifiées, les anonymes laissées derrière lisaient par-dessus mon épaule. Écrire comme si les femmes qui m’avaient précédée sortaient de terre pour m’observer. Toutes les femmes. […] Écrire comme une danse macabre ou un cri de révolte. Comme un souper échappé par terre par temps pauvre. Comme un cri primal devant une agression sexuelle. Comme la disparition d’un enfant après le coup d’État. Comme une décennie de dictature sur toute l’Amérique latine. Comme les larmes du silence durant les prières dans les sous-sols. Écrire mon histoire comme toutes ces femmes en moi à ressusciter. » (p.159)

Questions

  • Selon vous, comment le sentiment de l’humiliation chez l’autrice peut-il se transformer en processus créatif ?
  • Caroline Dawson a écrit dans Lettres québécoises 7 7 No. 182 Automne 2021 Lettres québécoises. : « C’est ainsi que je croyais qu’en ne faisant pas des ménages, je deviendrais la vengeance de ma mère. » Expliquez en vous basant sur le texte du roman Là où je me terre.

Activité proposée 

Associez des passages humiliants à des passages de vengeance dans l’oeuvre. Montrez comment ces passages se font écho sur les plans stylistiques et narratifs. 

Les trahisons 

Comment réagir face aux humiliations ? On peut courber l’échine, comme doivent le faire les parents de la narratrice. Pour les enfants des humiliés, une avenue cruelle se dessine : celle de la trahison. C’est celle qu’emprunte la petite, puis la grande Caroline. 

D’abord, il s’agit de trahir sa culture et sa langue d’origine. 

Puis, de ce fait même, il s’agit de trahir ses parents eux-mêmes. 

Dans les deux cas, la trahison est partie prenante de l’intégration à la société d’accueil, de l’émancipation aussi. En ce sens, ses parents l’espèrent, même si cela fait mal, car ils veulent que leurs enfants s’intègrent et s’émancipent. De ce fait, leurs enfants les trahissent. 

Un des premiers gestes de trahison, c’est ce petit livre rédigé par les enfants pendant que leurs parents font des ménages. Ils y racontent leur refus de faire le ménage de leur chambre. Oh, douce ironie dans ce contexte ! 

« Le livre s’intitulait Le ménage, c’est ridicule, mais il aurait aussi bien pu avoir pour titre Le désaveu. Notre grande trahison était toute là, pas même subtile. Pendant que nos parents s’éreintaient à gagner leur vie, notre vie, nous nous désolidarisions de leur épuisement quotidien, pour raconter notre petit spleen. » (p. 73)

Par la suite, ce sont encore les livres qui créent une distance entre sa mère et Caroline : alors que Natalia s’émerveille des bouquins de Québec Loisirs, Caroline, elle, s’en détache. 

« Stupidement, au début de l’adolescence, je me suis construite contre elle, contre ce qui la constituait, pensant que c’était bas, ordinaire; méprisant sa culture, dédaignant ses lectures. Je ne me rendais pas compte que c’était justement parce qu’elle m’avait tant élevée que je pouvais maintenant la regarder de haut. » (p.149)

Encore une douce ironie. Parce que ses parents ont tout fait pour qu’elle s’émancipe de leur condition, Caroline a le privilège de mépriser une part de ce qui les constitue désormais. 

L’autre fossé qui se creuse entre ses parents et elle est la langue. Peu à peu, Caroline non seulement apprend le français, mais elle en fait sa langue d’usage, voire sa langue d’identité dans presque toutes les sphères de son existence; elle en fera une part importante de son métier, de sa vie. De ce fait, elle se distancie de l’espagnol, sa langue maternelle, celle de ses parents – c’est le cas de le dire. 

Il faudra que l’autrice soit confrontée à un monde huppé, très privilégié – celui du cégep privé que fréquente son copain –, pour qu’elle s’aperçoive que cette trahison ne sera jamais complète : 

« … je réalisais que mon monde d’origine, incarné par ma mère, je ne pourrais jamais vraiment le désavouer. C’est elle […] qui m’a tenu la main dans les grands carrefours même quand je m’éloignais de mes origines, elle qui a fièrement brandi pancartes et ballons à chaque fil d’arrivée, qui marquait pourtant le départ de mon milieu. Parce que c’est ma mère, elle qui a sacrifié chacun de ses jours et plusieurs de ses nuits pour me voir libérée des servilités et soumissions qui étaient les siennes, qui a souhaité le plus ma réussite. […] Parce que même si je me construisais contre elle en embrassant les codes qui l’excluent, j’ai produit sa fierté. Parce que la trahison que l’ascension suppose était non seulement attendue, mais espérée. » (p.157)

Questions 

  • Pourquoi les parents de Caroline espéraient-ils cette trahison ? 
  • La petite Caroline a aussi dû se trahir elle-même. Expliquez. 

Activité proposée 

Prenez des éléments esthétiques de l’oeuvre (voir section suivante) qui illustrent ces trahisons et donc cette émancipation. Montrez comment ils servent bien le propos du livre.

Esthétique de l’œuvre

Là où je me terre est un texte narratif en prose assez linéaire. On suit presque toujours chronologiquement le parcours de la narratrice. La forme n’y est pas éclatée. Le registre de langue est plutôt soutenu. Par contre, l’autrice s’amuse par-ci par-là à changer subitement de registre de langue, pimentant le texte de registres de langue familiers qui surprennent au détour d’une phrase en français plus normatif. Autres clins d’œil stylistiques, les titres des chapitres sont autant d’hommages à la culture québécoise : titres d’œuvres, expressions, références à des éléments de la culture populaire du Québec.

Changements de registre

La narratrice nous raconte qu’elle a traversé les épreuves de l’intégration en arrivant à maîtriser la langue haut la main. Cela se répercute sur le texte lui-même bien sûr, rédigé dans un registre soutenu, au passé composé principalement. Puis, de manière abrupte, ludique même, un mot familier, évoquant une oralité qui contraste avec le vocabulaire soutenu utilisé, vient surprendre :

« … je m’ébouriffais la tignasse en enlevant ma tuque brune tricotée maison, pleine de statique. Je gesticulais, j’avais un accent, je parlais fort, je jouais de l’ostie de flûte. J’étais outrageusement enthousiaste, sonore, voyante. Tout mon être était tapageur à côté de ces filles que je trouvais si délicates dans le luxe de leur anonymat. » (p.65)

Ces surprises qui agrémentent le texte nous rappellent chaque fois à quel point la narratrice maîtrise la langue, manipule avec aisance les différents registres, et donc qu’elle s’est bien intégrée… avec tout ce que cela suppose de renoncements, de trahisons, de sentiment de soumission.

« Rendue au cégep, on me trouvait donc déjà intégrée. J’avais appris la langue, je disais oui, je disais merci, je sacrais avec parcimonie et au bon moment. Je ne demandais jamais rien, travaillais d’arrache-pied à l’école comme mes parents faisaient à laver des toilettes. Si parfaite que je n’avais pas d’accent, pas de dettes, pas de fardeau, pas de récriminations. Je ne refusais rien. Un emploi, un ami, une invitation, un conseil, une consigne, une directive, un commentaire méprisant, une injure, deux millions d’humiliations. Je ne laissais jamais deviner la confusion anxieuse, la haine sous les sourires, l’insécurité qui enveloppe les nuits. Je me confondais dans la masse, j’avais les mêmes valeurs, les mêmes vêtements, les mêmes références et faisais semblant d’avoir la même histoire.

Les clins d’oeil à la culture québécoise

Les titres des chapitres s’amusent avec la culture populaire québécoise.

On y entend des chansons des années 1980 et 1990 qui jouaient ad nauseam à Cité RockDétente (par exemple Dors Caroline). On y retrouve des titres de livres (par exemple La liberté n’est pas une marque de yogourt, chapitre dont un second épisode, encore une humiliation, viendra plus tard) et d’émissions de télévision (par exemple Le petit castor, La Fureur). On reconnaît des jeux d’enfants (par exemple Dis-moi le nom de ton cavalier), des répliques connues (par exemple Shit, Lola) ou encore des noms de Québécois célèbres (par exemple Le frère André, pour nous parler d’un chauffeur d’autobus). Ce jeu de piste nous rappelle chaque fois que l’autrice sait jongler avec les référents de sa culture d’accueil, autre illustration de son intégration réussie, cette fois sans en souligner l’envers douloureux.

Glossaire

Dictature de Pinochet au Chili

La dictature militaire d’Augusto Pinochet au Chili en Amérique du Sud a débuté par un coup d’état ayant mené à la mort du président socialiste Salvador Allende le 11 septembre 1973. Elle s’est terminée le 11 mars 1990, à la suite du référendum de 1988 sur la prolongation au pouvoir jusqu’en 1997 du général Augusto Pinochet. Le «Non» l’a emporté.. Ces 16 ans furent le théâtre de violations sans précédent des droits humains : plus de 3 200 morts et « disparus », autour de 38 000 personnes torturées, plusieurs centaines de milliers d’exilés. 8 8 Claire Martin, « Chili : le bilan humain de la dictature d’Augusto Pinochet revu à la hausse », RFI, 20 août 2011

Autres définitions

Réfugié.e

Une personne réfugiée est une personne qui a dû fuir la persécution. Au sens de la Convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés, définition reprise dans la loi canadienne et qui est largement acceptée à l’échelle internationale, il s’agit d’une personne qui doit se trouver hors de son pays d’origine et craindre avec raison d’être persécutée du fait de sa « race », de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques 9 9 Glossaire du Conseil canadien pour les réfugiés .

Autres définitions

Racisme

« Habituellement, lorsqu’on parle de racisme, on pense à des comporte-ments répréhensibles que certains individus peuvent avoir envers des per-sonnes racisées. C’est ce qu’on appelle le racisme direct. C’est abject et habituellement assez facilement identifiable, mais il y a beaucoup plus 10 10 Outil d’éducation sur le racisme systémique de la Ligue des droits et libertés. . »

« […] on comprend le racisme systémique comme un phénomène qui tire son origine de rapports de pouvoir inégalitaires historiques ayant façon-né à des degrés divers la société, ses institutions (normes et pratiques), ses représentations, ainsi que les relations sociales et pratiques individuelles qui y prennent place, contribuant ainsi à la reproduction dans le temps des inégalités racistes et la persistance des dénis de droits en découlant 11 11 Commission de droits de la personne et de la jeunesse citée dans l’outil de la Ligue des droits et libertés référé ci-haut. . »

Autres définitions

Ressources

L’autrice dans ses propres mots :

  • Article de Caroline Dawson paru dans Lettres québécoises (L182), octobre 2021 « Je suis une écrivaine québécoise, je suis vengeance »
  • Entrevue donnée par Caroline Dawson à Tout le monde en parle le 2 octobre 2022
  • Dossier sur Caroline Dawson, incluant des entrevues et des citations, sur Babelio
  • Journal de bord radiophonique de Caroline Dawson à l’émission Pénélope, premier épisode (les autres sont recommandés en complément au bas de la page)
  • Caroline Dawson se présente dans le cadre du Festival de littérature jeunesse de Montréal

Un peu plus d’informations sur l’autrice et son œuvre :

  • Sa page Wikipédia
  • Un article du Club des Irrésistibles des Bibliothèques de Montréal par Marie-Anne Poggi
  • Présentation de Caroline Dawson, finaliste du Prix du récit de Radio-Canada 2018

D’autres œuvres qui font écho à Là où je me terre :

  • Chimamanda Ngozi Adichie, Americanah, Paris, Gallimard, folio, 2013. Roman. La narratrice raconte ses prises de conscience identitaires en tant que femme noire lors de son exil aux États-Unis puis lors de son retour au pays natal.
  • Edouard Louis, Changer : méthode, Paris, Seuil, 2021. Récit autobiogra-phique. L’auteur évoque son arrivée au lycée, la confrontation à une classe sociale plus aisée et la nécessité pour lui de se réinventer et de rompre avec son milieu d’origine.
  • No, film de Pablo Larraín (2012). Film chilien présentant la démarche créative et militante du publicitaire qui réalise la campagne du Non au référendum de 1988, au terme duquel le géné-ral Pinochet devra quitter le pouvoir.
  • Kim Thu, Ru, Montréal, Libre Expression, 2009. Roman. L’autrice y raconte sa naissance au Vietnam pendant la guerre, la fuite avec les boat people, son accueil dans une petite ville du Québec, ses études, ses liens familiaux, son enfant autiste, etc.

Crédits

L’Espace de la diversité reconnaît l’aide financière du Conseil des Arts du Canada, du Conseil des arts et des lettres du Québec, du Conseil des arts de Montréal, de la Société de développement des entreprises culturelles, et de la Fondation Lucie et André Chagnon.

  • Conseillère-experte en littérature : Lorrie Jean-Louis 
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