« Je dis ton corps. La vérité est qu’il n’y a pas de frontières entre nous : toi, moi, les autres femmes. Tes fantômes sont les miens. Les leurs, les tiens. Elles ne savent plus où commence ton corps, où finissent les leurs. […] Je suis la femme qui vit en toi. »

Yara El-Ghadban, écrivaine et anthropologue palestinienne, signe avec ce livre son troisième roman sur la destinée de son pays. Cette fois, elle s’intéresse à l’écriture sensible de l’histoire récente, avec la figure majeure d’Ariel Sharon.

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Photo: Marjorie Guindon Photographe

1. Un sujet audacieux

On soulignera pour commencer la position audacieuse de l’autrice : une palestinienne écrit sur cette figure controversée que fut Ariel Sharon et en propose une biographie présentée dès le titre comme une exploration intime du personnage. Cette entreprise manifeste la liberté de YEG, et sa conception de la littérature comme un medium puissant pour dire autrement l’histoire.

Pour saisir le caractère provocateur d’un tel sujet, et d’un tel titre, il faut rappeler les faits de guerre de celui qui, au nom de la réalisation du Grand Israël, a organisé le massacre des populations palestiniennes, sacrifié de jeunes soldats israéliens, et ne fut jamais traduit devant un tribunal de justice internationale.

En choisissant de mettre en scène et en voix l’ex-Premier ministre israélien cofondateur du Likoud, l’autrice se confronte à l’écriture d’une figure imposante, radicalement opposée à son peuple et son identité, sa culture, son rapport au monde. Le personnage central de son livre est un homme, et un homme de guerre (un général qui s’est illustré durant les guerres israélo-arabes), reconnu par la Cour suprême israélienne comme « indirectement responsable » de massacres de civils, un homme enfin que l’histoire contemporaine désigne parfois comme « le Boucher de Beyrouth ».

Le choix d’Ariel Sharon est également courageux sur le plan personnel pour YEG, car ce personnage est lié à sa propre histoire, aux douleurs de sa famille : « Ariel Sharon est une figure très difficile pour moi. Je ne peux pas le détacher de mon expérience familiale, de mon expérience de Palestinienne, ni de ma souffrance. »

Ainsi, la démarche de l’autrice laisse entrevoir sa conception de la littérature comme espace de liberté absolue, au-delà des tabous et des interdits sociaux, religieux, mais aussi comme le lieu où peuvent se dire, et commencer à se panser, les maux de l’Histoire.

2. La fiction au secours du réel


Le livre de YEG peut se lire, outre la biographie de Sharon, comme une forme de recueil de portraits liés à l’Histoire du XXe siècle (entre la révolution russe, les deux guerres mondiales, les guerres israélo-palestiniennes). Les références aux dates et aux lieux stratégiques y sont fréquentes, tout comme les analyses politiques, placées dans la bouche de Véra (la mère) par exemple. Mais ce plan biographique est relativement secondaire, car ce qui se joue sur le fond de cette trame historique c’est avant tout la compréhension sen- sible d’un homme et de son destin.

La littérature est ici utilisée comme un mode d’exploration d’une forme de vérité que la parole des historiens, elle, n’approche pas – ou mal, ou partiellement.

En outre, dans JSAS, l’autrice s’intéresse à un moment précis de la trajectoire d’Ariel Sharon : la fin de sa vie, si éloignée de son parcours agité et médiatisé d’homme puissant. À Tel Aviv, en 2006, Ariel Sharon sombre en effet dans le coma suite à une hémorragie cérébrale, et demeure inconscient pendant huit ans, jusqu’à sa mort en 2014. Loin des troubles de l’Histoire, il s’éteint alors après avoir erré plusieurs années dans une forme d’absence à soi et au monde, dans une déchéance intime qui le rend à la fragilité humaine.

YEG approche ce moment par un angle particulier : elle questionne la lecture que l’on peut faire de cette lente agonie au regard de l’histoire de son peuple, et s’interroge sur ce qui traverse alors l’individu Ariel Sharon pendant ces années entre la vie et la mort.

Elle rapporte dans plusieurs entretiens l’origine du livre, l’événement qui a présidé à l’écriture : au moment où Sharon était dans le coma, la romancière était en visite à Gaza parmi les siens. Une remarque de sa belle-mère fait alors surgir l’idée d’explorer ce sujet : « Il ne mourra pas tant qu’il n’aura pas réglé ses comptes. »

On comprend que l’évocation de cette figure historique controversée tente ici de faire le lien entre la destinée de l’individu et la grande histoire du monde israélo-palestinien. On devine aussi que le portrait qui se dessine d’Ariel Sharon est une manière à la fois de comprendre l’homme et de rendre une forme de justice au peuple palestinien en dressant la liste des crimes de l’homme de guerre, en déposant pour la postérité une forme diffé- rente de lecture-écriture des faits historiques.

Et cela ne pouvait se faire que par la fiction, qui vient combler les vides, les manques, les approches lacunaires de la biographie : « Ceci n’est pas une biographie. C’est une fiction. Seule la fiction peut œuvrer dans les failles de l’Histoire. Et seul le roman rend possible notre rencontre. » Par l’imaginaire, le récit permet la compréhension d’un être et d’une période que les faits bruts ne font pas parler, ne permettent pas de saisir dans toute leur complexité.

3. Dans les limbes, un homme

La tournure du titre indique la démarche : le lecteur plonge dans l’esprit d’un homme inconscient, un esprit qui erre dans les limbes. Nous entrons dans son âme pour tenter de le comprendre, de saisir l’origine de sa destinée, d’aborder par le sensible ce qui fit de lui un « boucher ». Avec l’autrice, nous le tutoyons, nous observons son corps et devinons son âme : « Tu flottes, liquide. C’est la caresse du vide ».

On comprend qu’il était essentiel d’approcher Sharon au moment où ce chef de guerre terrible n’est plus qu’un corps déchu et dépendant sur un lit d’hôpital : cette situation de départ autorise l’autrice, lui permet d’approcher sa psyché sans barrière. Le moment suspendu du coma (un hors temps) accorde la paix nécessaire pour observer l’homme Sharon. « Calme, calme. C’est la vérité. (…) Je regarde. L’enfant, l’homme, son essor, sa chute. » L’illusion mise en place par le dispositif du livre est parfaite : le lecteur a le sentiment d’entrer dans la conscience du personnage, comme si YEG lui en donnait l’accès. Nous voyons défiler les vies et les événements qui traversent rêves et souvenirs de Sharon, les êtres dont les traces demeurent en lui. La narratrice écrit, à l’adresse du mourant : « J’entends leurs voix comme j’entends la tienne. Celle que tu caches dans ce lieu insonorisé qu’est ton âme ».

Loin de le réduire à l’ennemi redoutable – qu’il est pourtant – YEG traque ainsi l’« humanité » d’Ariel Sharon et cherche à imaginer comment il justifiait ses propres actes, comment il vivait avec ses crimes. Tour à tour, nous verrons Ariel Sharon enfant, adolescent, étudiant, père, époux, ami, agriculteur, bon vivant… Sans vouloir redorer l’image du politicien implacable, tout un pan de sa vie intime se dévoile et donne une épaisseur nouvelle à la figure figée et violente du dirigeant israélien.

Le texte rappelle aussi qu’un homme, même Ariel Sharon, possède un corps. Et même, comme ici, qu’il peut être réduit à un corps, nous invitant à nous souvenir que chacun est mortel, est l’égal de ses frères humains face à la mort inéluctable : « il ne reste que ça, cette chair molasse qui balance (…) et ce qu’elle a dévoré, cette chair, de visages, de voix, d’histoires, de lieux, de temps, de terres (…) Soudain te voilà. Ariel Sharon, dans le gouffre de ton corps. ». L’écriture sensuelle de YEG fait ainsi toute sa place à la présence de ce corps, dans sa vie passée et dans sa déchéance présente.

4. La médiation des femmes

Entrer dans cette psyché était une gageure : l’autrice explique que cela a été rendu pos- sible pour elle par le biais des femmes de la vie d’Ariel Sharon. Pour approcher ce dernier, son altérité radicale pour YEG, la médiation des mère, épouses et d’autres figures fémi- nines était nécessaire.

Pour affirmer « Je suis Ariel Sharon » comme dans le titre, la narratrice doit d’abord donner à entendre la voix de celles qui ont existé à travers lui, auprès de lui. La narratrice s’adresse ainsi à l’homme : « Je dis ton corps. La vérité est qu’il n’y a pas de frontières entre nous : toi, moi, les autres femmes. Tes fantômes sont les miens. Les leurs, les tiens. Elles ne savent plus où commence ton corps, où finissent les leurs. […] Je suis la femme qui vit en toi. »

C’est d’abord en tant que femme que YEG écrit ce texte. Elle pose son identité féminine comme une condition d’authenticité du regard qui est ici posé sur le personnage histo- rique. Femme d’une lignée de palestiniennes (mères, filles, épouses) victime des violences de la guerre, elle revendique la parole au nom de ce chœur, dans une perspective sororale. « Pose-moi la question : quel est ton nom ? Je nommerai toutes les femmes. Pose-toi la question : qui suis-je ? Toutes les femmes te répondraient. Leur voix est ma voix. »

Le portrait de Sharon se dessine donc dans les fils entremêlés de ces regards de femmes, de ces voix qui rassemblent le puzzle de l’identité, le tissent aussi avec le passé et les ori- gines : « Revenons au tout début. Avant moi. Avant toi. »

Dans le dispositif de JSAS, tout commence et finit avec une femme qui soigne : l’infir- mière qui prend soin d’Ariel Sharon et lui parle. Elle est le medium par lequel vont alors s’exprimer toutes les femmes importantes de la vie du Premier ministre : « Il reconnaît en moi d’autres femmes. » Évoquant parfois une sorcière ou une incarnation de la mort, la soignante connaît Sharon et l’accompagne dans son agonie, se laissant alors traverser par toutes les femmes importantes qui ont accompagné son destin et l’ont aimé.

Trois femmes, dont deux fantômes, se relayent donc au chevet du mourant. Elles se rappellent à lui, l’éprouvent, l’interpellent. Elles le font réagir et dialoguer, l’accompagnent dans son dernier voyage, en passeuses, tissant un chant polyphonique complexe fait de tous leurs points de vue sur la personnalité de Sharon : chacune de leurs voix place Sharon face à sa monstruosité et à son humanité, manifestant l’imbrication de ses différentes facettes. Et à chaque voix semble répondre une part de celui qui fut Ariel/Arik – surnom qui signifie « le lion ».

Le roman donne corps et voix de manière magistrale à cette assemblée de femmes, en particulier Véra, Lily, Rita, mais aussi l’infirmière qui le soigne et lui fait la lecture, et avec laquelle s’établit un dialogue silencieux. Elles font songer aux Parques, et inscrivent le texte dans une dimension mythique.

Toutes, telles un chœur tragique, le guident et le soutiennent sur son chemin vers les ombres de la mort.

VERA, LA MÈRE :

Elle rappelle d’où vient Ariel Sharon, comment il a appris la haine de l’autre. Elle est por- teuse des images de son enfance et même de son héritage guerrier. Elle rappelle sa propre histoire et inscrit Arik dans sa filiation. Mère froide, née en 1900 au bord du fleuve Dniepr, Véra est avant tout une femme déracinée, déchirée et déçue, prisonnière des choix de son homme (elle a suivi le père d’Ariel en Israël mais regrettera toute sa vie sa Russie natale). Comprendre qui elle est, c’est comprendre qui est Sharon : comme l’écrit Paul Kawczak, écrivain et directeur des éditions La Peuplade, « elle retrace la trajectoire de guerre, de haine et de peur qui a engendré les prémices de l’État d’Israël, des pogroms russes aux moshavim des premiers colons, ces communautés agricoles coopératives de Juifs immigrés en Palestine. La logique de cette histoire est celle du mal qui engendre le mal, et les fusils mausers qui ont abattu des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale ont à leur tour, entre des mains juives, été braqués sur des Arabes ». Véra est la « ma-machka », celle qui a donné la vie, mais aussi celle qui a laissé, dès l’adolescence, Ariel se « transformer en assassin ».

La voix de YEG se coule avec empathie dans la voix d’une mère, mais surtout d’une femme qui n’est qu’un « écho » des désastres de l’Histoire, qui qualifie sa vie comme « une série de rêves brisés », dont elle n’a jamais fait le deuil. Spoliée de son destin (elle allait devenir médecin en Russie et n’a jamais pu finir ses études) et confrontée à l’exil, aux tyrans, à la force mortifère des idéologies, elle élève Ariel dans une vision amère et vindicative de la vie. Elle n’a pu le protéger de l’exclusion et de la stigmatisation par ses camarades à cause de ses origines, lorsqu’il était marginalisé par les arabes mais aussi par les juifs : « Avec un peu d’amour, peut-être tu serais pas si gourmand, affamé de guerre et de sang. »

YEG lui donne une voix puissante dans le livre, caractérisée par une langue nerveuse, mâ- tinée de mots russes, très caractéristique dans le livre.

LILY, LA « FEMME ADORÉE » :

La seconde femme de Sharon révèle les fragilités de l’homme, les drames de sa vie (le deuil de sa première épouse, de son fils). Elle met l’accent sur la part d’humanité du personnage : la tendresse, la passion pour l’agriculture et les chevaux. Lily aime « la musique et l’art », relie Ariel à la beauté. Elle témoigne de la capacité de donner et recevoir de l’amour de celui que l’on qualifie parfois de « monstre ».

RITA, LA « FEMME-VOIX » :

La voix de Rita, surnommée « le Rossignol », est d’une nature différente. Elle est à sa ma- nière aussi un fantôme : celui d’un fantasme poétique.

Elle est l’essence même de la « femme-voix » qui porte le texte, « l’enfant mort-née d’une terre mort-née ». Elle se définit comme « Guerrière. Philosophe. Guérisseuse », comme « poème et voix ».

Certains soulignent qu’elle porte le prénom de la compagne du poète palestinien Mahmoud Darwich : elle porte la parole de toutes les femmes palestiniennes, et affronte l’homme Sharon, le pousse dans ses retranchements : « Est-ce le sort de toutes les femmes de se retourner et de contempler l’horreur laissée par la marche des hommes vers l’histoire ? ». Elle rappelle les crimes, l’enjoint de parler.

Elle répond enfin à Arik, qui lui demande si elle est la Mort : « Et si j’étais l’amour ? », re- vendiquant ce rôle pour les femmes, de réconcilier les hommes et de chercher toujours l’amour malgré la haine. Faire parler Rita, c’est aussi pour YEG le moyen d’interroger le rôle des femmes dans l’Histoire, et leur relation avec les hommes qui la font : « Est-ce ça être femme ? Nager, globule dans les veines des hommes ? Chercher une âme au fond de ce grand corps malade et y injecter ce parfum qui brûle ? En vouloir aux hommes de leur violence sans jamais arriver à les haïr ? »

On ne peut que saluer l’originalité et la sensibilité du choix fait par YEG de l’approche fé- minine d’un destin guerrier, une figure majeure de l’Histoire du XXe siècle. Cette démarche permet de libérer le portrait des tabous et des préjugés qui empêchent d’avoir une vision d’ensemble de l’homme et de sa vie.

L’autrice questionne en esprit, dans le texte liminaire, les femmes de la vie de Sharon, pour se placer sous leur patronage :« M’en voudraient-elles si j’enlevais à chaque lettre de ton nom sa noirceur ? À chaque date de ton histoire, sa violence ? Si je t’enlevais la mort et te prêtais la vie ? M’en voudraient-elles si je me glissais là où elles t’ont vu nu ? (…) Si je te débarrassais de toutes ces couches. Ta peau de guerrier, ton masque de politicien ? Ne reste que toi face à moi ? Que tu ne sois personne ? Que je sois personne ?

Soyons personne. Soyons ensemble sans visage. Perdons-nous dans ce long sommeil. Dévoilons tous nos visages.
Pose-moi la question : quel est ton nom ? Je nommerai toutes les femmes.
Pose-toi la question : qui suis-je ? Toutes les femmes te répondraient. Leur voix est ma voix. »

5. Une langue puissante

Cette plongée dans l’âme de Sharon, qui ressemble parfois à une descente aux enfers, est servie par une langue chamarrée et musicale, véhiculant une forme de poésie qui unifie les différentes voix. Le texte de JSAS est un chant, proféré par une « femme-voix » qui change de visage au fil des chapitres.

La forme est celle d’une prose lyrique, prenant même par moments l’aspect du poème en vers libre en empruntant sa disposition sur la page (p. 13).

Paul Kawczak définit le style de YEG comme une « écriture aérienne dont la poésie abolit les frontières entre les êtres, les corps, les langues, les époques, les histoires, les sexes, les âges et les confessions religieuses : Dans le creuset de la voix féminine d’outre-tombe, toutes et tous se mêlent et s’abolissent. »

Dès le texte liminaire, le processus de l’écriture est présenté comme un acte de fusion avec le personnage du portrait, et repose sur l’effacement progressif des oripeaux de l’Histoire pour rejoindre l’humanité commune : « Soyons personne. Soyons ensemble sans visage. Perdons-nous dans ce long sommeil. Dévoilons tous nos visages. » C’est donc un livre qui se propose de réhumaniser Sharon (comme si YEG tentait de répondre à une nécessité face aux douleurs de son peuple, et comme pour dissoudre le caractère monstrueux du personnage). C’est aussi un récit qui se sert de la situation (le coma, l’agonie) pour essayer de réconcilier dans une figure simplement humaine les voix de l’Histoire, les protagonistes qui s’y affrontent, tout en maintenant leur diversité et leurs identités : « tous nos visages ».

L’écriture est ici vécue comme réparatrice, reliante. Elle « rapaille », selon le mot québécois rendu célèbre par Gaston Miron.

On peut alors revenir une dernière fois sur le titre avec sa tournure si étonnante et provocatrice : « je suis… ». C’est dans sa langue poétique que YEG rend compte de la complexité de l’identité, au-delà de l’entreprise biographique, une identité faite de strates et de paradoxes. L’ensemble du texte se développe comme une sorte de flux de conscience, à la fois de Sharon et des femmes de son entourage, mais aussi mêlé à la voix de l’autrice, elle-même habitée par les voix secrètes d’une famille, d’un peuple.

La critique Maya Ombasic, dans Le Devoir, écrit ainsi à propos de JSAS : « Dans ce livre savamment documenté par une anthropologue, c’est plutôt le talent d’écrivain qui nous fait comprendre que derrière chaque être humain, qu’il soit héros ou bourreau, défilent les voix des autres, avec leurs propres bagages déposés sur l’écran de nos consciences, il n’est pas question de faire de procès moral. Il faut plutôt tenter de braquer la lumière sur l’altérité afin de saisir une partie de son caractère insaisissable. Or, étant donné la complexité historique et géopolitique du roman, on ne peut que s’incliner devant la sensibilité et le souci d’objectivité de cette plume prometteuse farouchement fluide ».

Extraits à lire et commenter

  • p. 11-16 : prologue,
  • p. 34-35 : Vera. L’exil et le sacrifice de la mère,
  • p. 40-41 : l’exclusion, la famille marginale,
  • p. 58-61 : le rêve d’Arik (le remords),
  • p. 85-86 : le prédateur,
  • p. 114-116 : la femme-voix,
  • p. 121-124 : les derniers instants.

En écho

Correspondances d’écrivains

  • Lettres parisiennes, histoires d’exil de Nancy Huston et Leïla Sebbar
  • Correspondance Camus/Char

Auteurs québécois cités par YEG/RSE

  • Felix Leclerc
  • Gabriel Roi
  • Joséphine Bacon
  • Gaston Miron

Autres poètes de la paix/de la liberté

  • Pablo Neruda : Vingt poèmes d’amour et une chanson désespérée
  • Mahmoud Darwich : La Terre nous est étroite, L’Exil recommencé

L’exil

  • Jeanne Bennameur : L’Exil n’a pas d’ombre (poésie)
  • Laurent Gaudé : Salina (récit)
  • Laurent Gaudé : De sang et de lumière (poésie)
  • Chamoiseau : Frères migrants (poésie)

La culture créole, la créolisation de la langue

  • Édouard Glissant : Pays rêvé, pays réel
  • Saint John Perse : Éloges
  • Jean d’Amérique : Rhapsodie rouge
  • Chamoiseau : Texaco

La négritude des poètes

  • Léopold Sédar Senghor : Chants d’ombre
  • Aimé Césaire : Cahier d’un retour au pays natal
  • Léon-Gontran Damas : « Solde » in Pigments

Fonction du poète : groupement classique

  • La quête de la beauté, l’alchimie : Rimbaud, Baudelaire…
  • L’engagement social et humain : Hugo, Desnos, Aragon…

Poésie contemporaine et regard sur le monde

  • Gaël Faye : Petit pays
  • Kae Tempest : Les Nouveaux Anciens
  • Christophe Dauphin : Un fanal pour le vivant

Poésie amoureuse : la tradition lyrique

  • Éloges et blasons : Marot, Ronsard, Baudelaire, Éluard, Verlaine…

Textes sur l’esclavage

  • Montaigne : Essais (Des cannibales : civilisation et barbarie)
  • Voltaire : Candide
  • Diderot : Supplément au voyage de Bougainville
  • Montesquieu : De l’esclavage des nègres (Esprit des lois)
  • Daenninckx : Le Reflet (nouvelle)
  • C. Taubira : L’Esclavage raconté à ma fille
  • Toni Morisson : Beloved
  • Sophie Cherer : La Vraie Couleur de la vanille
  • Franz Fanon : Les Damnés de la Terre (et préface de Sartre)
  • Leiris : Race et civilisation
  • Claude Levi-Strauss : Tristes tropiques, Race et histoire…
  • Extraits de la Déclaration des Droits de l’Homme de 1789 / Décret d’abolition par la Convention, 1794 / Code Noir de 1685
  • Aimé Césaire : Discours prononcé le 21 juillet 1945 à l’occasion de la fête traditionnelle dite de Victor Schœlcher
  • Lamartine : De l’émancipation des esclaves
  • Condorcet : Réflexions sur l’esclavage des nègres
  • Marivaux : Île aux esclaves
  • Sartre : Préface aux damnés de la Terre de Frantz Fanon
  • Tournier : Vendredi ou les limbes du pacifique
  • Roland Barthes : Bichon chez les Nègres (Mythologies)
  • J-C Carrière : La Controverse de Valladolid (et adaptation cinéma)
  • Anthologie : C’est à ce prix que vous mangez du sucre (Étonnants classiques)

Biographies sensibles

  • Emmanuelle Favier : Virginia
  • Joyce Carol Oates : Blonde (sur Marilyn Monroe)

BD :

  • Bourgeon F : Les Passagers du vent, 12bis éditions
  • Che, biographie du Che par Alberto Breccia et Hector Oesterheld

MUSIQUE :

  • RAP : Ministère Ä.M.E.R : Le Savoir – Fabe : Code noir – IAM : Tam-tam de l’Afrique
  • Abd al Malik : Le Jeune Noir à l’épée (Récit poétique + CD)

CINÉMA : esclavage, ségrégation, racisme

  • Mc Queen : Twelve years a slave
  • S. Spielberg : Amistad / Lincoln
  • J. Demme : Beloved
  • Lee Daniels : Le Majordome
  • Tate Taylor : La Couleur des sentiments
  • Richard Attenborough : Freedom Cry
  • P. Farrelly : Green Book

SÉRIE :

  • Roots (Alex Haley)

ARTS VISUELS :

  • François-Auguste Biard : L’Abolition de l’esclavage
  • Laurent Valère : Cap 110 ; Mémoire et Fraternité, 1998
  • Fabrice Hyber : Le Cri, l’écrit, 2007
  • Léa de Saint-Julien : La Forêt des Mânes, 2006 (installation multi-sensorielle)

AUTRES RESSOURCES EN LIGNE :

VIDÉO :

• Lecture d’extraits de Les racistes n’ont jamais vu la mer par les auteurs, sur la page Facebook de la Maison de la Littérature : www.facebook.com/watch/li- ve/?ref=watch_permalink&v=2502430466553851

Pistes pédagogiques

ATELIERS D’ÉCRITURE

Atelier d’argumentation

  • La boîte à outils anti-raciste :
  • En reparcourant les différents points abordés par les Racistes, chacun choisit un angle d’attaque contre le racisme et développe un paragraphe argumentatif de manière structurée (connecteurs, introduction, développement, exemple, conclu- sion).
  • L’arbre à palabre :
  • Version orale de l’exercice précédent : sur le modèle de l’arbre à palabre, dans la salle, chacun à son tour, les participants se lèvent et lisent le texte écrit dans l’ate- lier précédent. Aucun ordre n’est prédéfini ; il s’agit de percevoir quel est le meilleur moment pour intervenir et relier son argument aux précédents de manière logique et fluide.

Atelier épistolaire

  • Cet atelier repose sur une correspondance (papier ou par mail) avec un de vos camarades. Vous échangerez à propos d’un mot choisi en commun comme point de départ de la conversation épistolaire. Chacun pourra présenter ce qu’évoque pour lui le mot, dans sa culture, son histoire personnelle… On pensera à travailler les question/réponses et les fils de reprise d’un courrier à l’autre.

Ateliers récit

  • Atelier « premières fois ». En vous inspirant du chapitre des Racistes où les deux auteurs racontent leur première confrontation avec le racisme, vous raconterez la première expérience que vous avez faite (vous-même ou en tant que témoin) d’une réaction de rejet, d’intolérance, de harcèlement. Vous mettrez en avant les préjugés à l’œuvre dans cette scène. Votre texte se développera en 3 temps : le récit de la scène, vos émotions, et un dernier paragraphe réflexif.
  • Atelier « solutions » : dans le prolongement du récit précédent (récit d’une scène de rejet), vous imaginerez une issue positive en imaginant comment la victime et/ou les témoins auraient pu réagir (moment de lutte collective, de fraternité et de victoire, comme l’épisode, dans Les Racistes, des voix qui se lèvent contre un chauffeur raciste dans un bus).
  • Atelier « premières fois » N° 2 : Comme YEG et RSE, racontez une « première fois », mais choisir cette fois une découverte heureuse, un moment où l’humanité, la compassion s’est exprimée.
  • À la manière de RSE lorsqu’il évoque sa grand-mère et l’héritage qu’elle lui a légué, vous rédigerez le portrait d’une personne qui a compté ou compte encore pour vous. Votre texte mettra en avant les valeurs, les savoirs qui vous ont été transmis.
  • Polyphonie : à la manière de YEG dans JSAS, vous travaillerez sur la multiplication des points de vue narratifs. En jouant sur la focalisation, vous proposerez le récit d’une anecdote racontée par trois personnages différents. Vous travaillerez l’écriture de manière à bien différencier les trois voix, les « styles » des personnages (lexique, rythme, registre de langue…).

Ateliers poésie

  • Autour d’un mot : « ces mots qui nous sauvent, ces mots guérisseurs que toute personne persécutée porte dans son sac de médecines » À la manière de RSE et YEG dans Les Racistes, avec le mot « rêve » par exemple, travailler à partir d’un mot que vous aimez. Creusez son étymologie, ses connotations, ce qu’il évoque pour vous (liens avec votre culture, votre histoire personnelle…). On pourra s’appuyer aussi sur le travail étymologique de Sophie Chérer dans Renommer. Pour choisir le mot, établir une liste personnelle, ou travailler en groupe et piocher dans la liste des autres. La mise en commun des textes autour d’un mot peut donner lieu à la constitution d’un petit glossaire collectif.
  • La voix des autres : tenir un carnet d’enquête, dans lequel on fera pendant une semaine une collecte de mots. On sera attentif aux paroles prononcées par les proches mais aussi les inconnus, et parmi les mots et expressions entendus on re- lèvera ce qui plaît/touche/surprend… On rédigera ensuite un poème polyphonique, en vers libre, où toutes ces voix seront entremêlées.
  • Poème-hommage : à une grand-mère ou un grand-père à la manière de RSE dans Les Racistes et/ou dans NTPP. Construction en 3 strophes : évocation de l’apparence de l’aïeul/ ses mots/son héritage.

ORAL

  • Exposé autour du livre Les Racistes : sur les pays des 2 auteurs
  • (Québec, Palestine et Haïti).
  • Exposé de groupe sur l’histoire de l’esclavage / sur le colonialisme.
  • Exposé sur les associations de lutte contre le racisme.
  • Présentation du livre de Sophie Chérer : La Vraie Couleur de la vanille.
  • Compte rendu d’une biographie d’homme/femme célèbre, et comparaison avec la démarche de YEG dans JSAS.

Crédits

Fiche ressource initiée par l’Agence Livre & Lecture Bourgogne- Franche-Comté, en partenariat avec la Direction régionale académique à l’éducation artistique et culturelle (DRAÉAC), dans le cadre du festival littéraire itinérant Les Petites Fugues 2022.

Réalisation : Cathy Jurado

Avertissement : subjectifs et non exhaustifs, les contenus de ce dossier sont proposés à titre de « pistes de travail ». Chacun sera libre de les suivre ou de s’en affranchir.

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